À la belle étoile

L’homme retourna le col de sa veste rapiécée et sortit de la soupe populaire. Il souffla dans ses mains pour les réchauffer et se mit à pester contre le mauvais temps. Son orteil droit dépassait de son soulier troué. Une vieille godasse qu’il avait récupérée dans une poubelle. L’ongle noir ressemblait à une griffe de loup-garou. Il marcha un long moment, longeant les quais de la Seine, sourd au clapotis de l’eau et au bruit des badauds.

Arrivé sous le pont Marie, il posa son baluchon dans un coin tranquille où il ne dérangerait pas ses collègues. Une grosse dame aux cheveux gras lui fit un signe de tête et lui proposa une gorgée de sa piquette. Il refusa et s’allongea, se couvrant d’un vieux paletot sale. La pluie commença à tomber doucement. Il s’était abrité à temps. Demain, il lui faudrait reprendre la route. Marcher toute la journée sans but ni destination, à la recherche d’un ailleurs auquel il ne croyait plus. En attendant, il espérait trouver un sommeil un tant soit peu réparateur. C’était encore trop demander. Il se recroquevilla dans son coin et lança à ses compagnons d’infortune :

« Le dernier qui se couche éteint la lune ! »

 

Photo : Y-G Bourhis

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