Du rififi en Laponie

C’est la veille de noël en Laponie. Les lutins finissent les derniers préparatifs pour la grande course annuelle. Il s’agit de distribuer le plus de cadeaux possible aux enfants  du monde entier en une nuit. Le gagnant remporte un billet de collection du pays qu’il a traversé et peut décider du renne qui l’accompagnera le noël suivant. Rodolphe est toujours le premier choisi car son nez rouge comme un lampion permet de se déplacer plus facilement dans l’obscurité et le brouillard, sans se perdre en chemin.

Le chronomètre géant installé dans l’atelier indique le temps restant avant le départ. Les lutins s’affairent, enfournant des milliers de cadeaux emballés dans leur hotte magique. Tout doit être prêt avant l’arrivée du Père Noël. Ils discutent, tout excités à l’approche du grand moment. Elon, un lutin bagarreur qui veut toujours remporter la course, se plaint sans cesse que les parcours ne sont pas équitables.

-Où aimerais-tu distribuer cette année ? demande-t-il à Léon qui emballe maladroitement un joli stylo-plume.

-J’espère tomber sur un petit pays, répond ce dernier. Léon se mord la lèvre pour mieux se concentrer.

-Moi aussi ! L’année dernière je suis tombée sur les Etats-Unis et j’ai fini dernière, intervient Lena, une jolie rouquine.

-Ne te plains pas, fait Elon, moi j’ai eu la Chine. J’ai dû porter deux huttes. Je n’aime pas ce tirage au sort, c’est toujours les mêmes qui ont les petits pays. Je vous parie que Noël tombera encore sur le Luxembourg cette année. C’est le chouchou et il gagne toujours.

– Il a le traineau de Rodolphe, alors évidement il a toutes ses chances, explique Léon, qui a du mal à se dépatouiller avec le rouleau de scotch.

-Mais on ne peut pas avoir deux années de suite le même pays, dit Lena pour défendre Noël.

– Moi, si je me retrouve avec le papy renne qui ne vaut pas un clou, moitié aveugle et sans aucun sens de l’orientation, je proteste ! grogne Elon en donnant un coup de poing sur la table.

-Moi, fit Nolé, un lutin rondouillard, je voudrais la Belgique.

Ses yeux brillent en y pensant.

-Tu ne serais pas amoureux d’une petite Schtroumpfette, toi ? se moque Elon

-Mais pas du tout ! Nolé devient plus rouge que son bonnet. J’aimerais un billet de cent francs belge pour ma collection de francs. J’ai déjà les francs suisse, comoriens, malgache…

Un cri retentit qui coupe court à leur conversation. Le père Noël arrive en courant, hirsute, pieds nus, son manteau rouge encore ouvert et son bonnet à la main. Tous les lutins lèvent la tête, affolés.

-Au secours ! crie le Père Noël, venez vite !

Dans le hall, Rodolphe est étalé de tout son long. Un énorme papier cadeau lui recouvre la tête comme une enveloppe. Son corps est scotché de partout, il a dû suffoquer dans cet emballage plastifié.

-Qui a osé faire ça ? Vocifère le père Noël. Il n’y aura pas de distribution cette année tant que nous n’aurons pas trouvé le coupable !

Les lutins sont consternés. Nolé jette un regard interrogateur à Elon. Ne vient-il pas de se plaindre ? Rodolphe éliminé, ce serait plus facile pour un autre renne de gagner. Elon hausse les épaules, comme s’il comprend la pensée de son camarade et pointant soudain Léon du doigt, s’écrie :

-C’est lui ! Il a encore du scotch sur le nez et le bonnet !

Léon se met à pleurer. Noël accroupi auprès de son renne préféré, tente en vain d’arracher le papier. Quelques lutins se jettent sur Léon pour le frapper. Nolé surprend le sourire railleur d’Elon, l’attrape par le col de la veste et hurle :

-C’est toi qui l’as tué !

Le Père Noël arrête le chronomètre et tout le monde cesse de bouger, les petits poings encore en l’air.

-C’est fini, oui ? Nous allons tous nous mettre à la recherche du coupable. Quand nous l’aurons trouvé, il sera exilé chez les Korrigans, ordonne-t-il d’un ton sévère.

Les lutins retiennent tous leur respiration. Ils savent que les korrigans sont un peuple de menteurs et de voleurs.

-Je veux vous voir tous dans mon bureau et vous me direz en détail où vous étiez ce matin et ce que vous faisiez. C’est bien compris ? interroge le Père Noël.

La tête basse, ils se mettent en rang d’oignon devant la porte. Le silence s’installe. Lena prend doucement la main de Léon pour le consoler. Elle aussi aurait envie de pleurer.

-Au suivant ! crie le Père Noel, assis à sa table de travail. Un lutin sort avec un soupir de soulagement tandis qu’un autre entre timidement.

– Que faisais-tu ce matin ?

– J’emballais des cadeaux…

– N’as-tu rien entendu d’anormal ?

– Non, rien…

Les lutins se succèdent pendant un long moment, puis Elon se décide à entrer dans le bureau. Il pousse ses camarades sur son passage et demande la permission de parler au Père Noël. Il ferme la porte derrière lui.

-Père Noel, ne devrions-nous pas trouver un autre moyen de distribuer les cadeaux ?

-Sans Rodolphe, pas question. Je ne remettrai pas le chronomètre en marche tant que nous n’aurons pas trouvé le coupable.

-C’est moi, dit Elon, les yeux rivés sur ses bottines.

-Toi ? Et pourquoi donc ?

– J’étais jaloux de Noël. Je ne voulais pas tuer Rodolphe, je vous jure. Je lui ai juste donné une grosse dose de somnifères. Le reste, je ne sais pas comment c’est arrivé.

Le Père Noel réfléchit et se gratte la barbe.

Dans le hall, Noël a enfin retiré le papier qui enveloppait Rodolphe. Il ne reconnait pas cet emballage terne. Cela ne vient pas de leur atelier.

-Le père Fouettard, murmure Noël tout bas.

Le pire ennemi du Père Noël, celui qui veut toujours remplacer les jouets par des morceaux de charbon et fouetter les gens à tours de bras. Il faut absolument alerter les autres ! Le père Fouettard rôde peut-être encore l’atelier. Noël court de toutes ses forces jusqu’au bureau du Père Noël et arrive juste à temps pour sauver Elon. Le Père Noël fait verrouiller toutes les issues et la chasse au criminel commence.

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