La quête du coït

« Au moyen âge pour la femelle, ange ou pource,

              Il fallait un gaillard de solide grément »

                                                                        Arthur Rimbaud

Tout ce que nous allons dire ici arriva avant le couronnement d’Arthur et son départ pour le Graal en compagnie des chevaliers de la table ronde.

En ces jours-là, Merlin enseignait les lois de la séduction. L’Enchanteur n’ignorait pas l’avenir qui attendait le jeune Arthur. Les Celtes étaient de valeureux guerriers, certes, mais un guerrier sans descendance n’a que peu d’avenir. Les Romains, experts en séduction, le savaient bien et leur charme latin était déjà admiré des femmes de toutes les contrées conquises. Arthur, en tant que futur roi Celte, avait beaucoup à apprendre s’il ne voulait pas que les femmes de son peuple se latinisent.

Quelques fois, la fée Viviane venait en flânant au travers de la forêt de Brocéliande, voir ce qui maintenait son amant si occupé et restait à battre des cils, la tête inclinée sur un tronc. Le jeune Arthur savait se battre aussi bien qu’il savait nager et nager presqu’aussi bien qu’il savait courir. Aussi, Merlin, l’Enchanteur de la forêt, ayant assez travaillé à sculpter le corps du jeune éphèbe, lui apprenait-il à présent les techniques d’approche : comment aborder une soubrette ou une princesse, savoir reconnaître l’instant propice, quand la femelle laisse tomber sa garde et est fin prête à se laisser pénétrer.

Arthur, qui préférait déjà guerroyer plutôt que courir la gueuse, s’approcha de la fée d’un pas désinvolte et, lui prenant délicatement la main, murmura :

—Bonjour, gente dame, vous plairait-il de monter sur mon gréement que je parcoure votre lac ?

Viviane rougit et baissa les yeux vers la ceinture du garçon. Arthur lui envoya alors un grand coup dans le dos et s’écria :

— Tu vois Vivi, je sais tout ! Pas besoin d’en apprendre plus ! Allez, le vieux, laisse-moi aller jouer. Je m’en fous des Romains et de leur baratin. Si nos femmes les intéressent tant, qu’ils les prennent !

Merlin lui asséna une grande claque et l’enfant grimpa se réfugier en haut d’un arbre.

—Il ne suffit pas d’une petite phrase pour séduire une femme. Il faut la découvrir lentement, la caresser, lui faire croire qu’elle est unique, c’est tout un travail d’apprivoisement avant de pouvoir planter ta graine qui assurera la continuité de notre peuple.

—Tu es dur avec lui, interrompit Viviane. Parfois, nous nous perdons volontiers à la vue d’une jambe bien ferme ou d’un torse musclé. Il faut avouer que les Romains, court vêtus, la peau mate et cet accent chantant…

—Il s’agit bien de ça ! s’énerva Merlin. Il faut trouver le bon reproducteur, celui qui perpétuera la lignée de grands guerriers celtes et pas de se pâmer pour le premier légionnaire venu et faire sa difficile devant un valeureux Breton en rut.

—Oui, mais le Breton est parfois si rustre…tu devrais avoir un peu d’indulgence, tout de même. Et ne pas le frapper si fort, voyons. Ce sont des leçons de séduction pas de correction.

Merlin leva les yeux vers le vieux marronnier.

— Là…là, descends de ton arbre, dit-il avec tendresse.

L’enfant se laissa glisser le long du tronc.

— Je viens pour Viviane, pas pour toi, vieux grigou, fit Arthur qui se mit à crier :

—Moi, j’aurais mes chevaliers et nous nous aimerons et serons égaux, tous. On laissera tomber les femmes et cette stupide forêt pour partir à l’aventure, direction la Terre sainte. J’aurais une belle épée qui s’appellera Excalibur et un cheval…

—Quelle est cette nouvelle folie, beau rêveur de chimères ? demanda Viviane.

—On jettera au bûcher les femmes infidèles, on ira christianiser l’Orient.

Merlin poussa un cri d’effroi.

—Renier nos dieux et nos femmes, petit vaurien ! Tu as parlé aux Gallo-Romains ? Ce peuple sans loi qui embrasse cette toute nouvelle foi qu’ils ont inventé et laisse périr notre ancien monde ! Ecoute, Arthur, tu es un guerrier celte, nous croyons au pouvoir de la nature, des fées et des mages. Ces chrétiens ne croient en rien, sinon au pouvoir de l’or, et refusent toute magie. Je t’ai appris à concocter des philtres d’amour, je t’ai initié aux gestes pour séduire une reine. Tu pourrais régner sur tous les territoires Celtes ! Et tu veux pactiser avec ces mécréants qui tuent ceux qui ne pensent pas comme eux et veulent que les femmes restent toujours vierges !

C’est alors qu’une grêle de petites flèches dégringola au travers du feuillage ; et on put entendre des toux et des rires très haut dans les branches.

—Tu aurais pu le prémunir contre eux, dit Viviane en faisant la moue. Même s’ils n’ont pas tout à fait le même âge, tu sais que Lancelot est mon fils adoptif.

—Ce chenapan qui traine avec sa bande de vauriens, ce Galahad et ce Perceval ! Je ne pouvais pas imaginer…Merlin commençait à s’énerver pour de bon.

—Il est vrai que Perceval a une très mauvaise influence sur Lancelot, coupa la fée. Si tu savais comme il me répond depuis qu’il s’est mis à boire l’hydromel que leur apporte toujours cette racaille de Tristan ! Un va-nu pied dont la mère est cuisinière au château d’Uther Pendragon. Vraiment Arthur, je me demande parfois où ton père va chercher ses employés.

—Il m’a construit une super cabane dans ce grand marronnier, s’écria Arthur, tout joyeux.

Une nouvelle grêle s’abattit sur leurs têtes, et ils détalèrent, emmenant Arthur avec eux.

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