La vieille mule de l’oncle Eugène


Dans un petit village du Gard, les habitants s’apprêtaient pour la fête agricole annuelle. On célébrait les moissons et la fin de l’été. Des festivités étaient organisées place de l’église, entre la mairie et le bistroquet. Les jeunes gens avaient revêtu leurs habits du dimanche dans l’espoir de conquérir quelques cœurs pendant le bal. Les jeunes filles parées de bouquets champêtres  rêvaient de se trouver un beau gars ce soir-là. De préférence le fils d’un fermier aisé ou mieux encore, Marcel, le fils du maire qui les faisaient toutes tomber en pâmoison. Le maire s’était coiffé d’une jolie houppette et arborait son bandeau tricolore sur sa bedaine rebondie.

Le tenancier du bistrot que tout le monde appelait oncle Eugène, avait une vieille mule dont il se servait à la nuit tombée pour ramener les saoulards chez eux. Grâce à elle, de nombreux maris retrouvaient leur lit douillet et évitaient de passer la nuit dans un caniveau. Elle sauvait bien des mariages, cette vieille mule. En hommage à sa défunte mère, l’oncle  Eugène l’avait prénommée Clothilde.

Tous les ans, Clothilde était la reine de la fête. Elle était revêtue elle aussi d’un joli bandeau et portait une cocarde à la crinière. L’oncle Eugène sorti son fût du meilleur vin pour l’occasion. Après le discours du maire et la bénédiction de monsieur le Curé, tous les villageois firent le tour Clothilde pour la salutation symbolique. La pauvre mule avait un brin de paille planté dans l’arrière-train et dans lequel tour à tour, tous les habitants soufflaient. Il s’agissait d’une tradition censée apporter prospérité au village. Quand ce fut au tour du maire, il se souvint de l’épidémie de grippe qui avait sévit l’année précédente et prit peur. Mieux valait être prudent. Pas question de se retrouver alité une semaine pour avoir posé ses lèvres là où tout le monde avait craché. Il sortit donc la paille des fesses de Clothilde qui se tortilla et gémit un peu à cause de l’inconfort. Le maire, ravi de son idée, retourna vite la paille et souffla de l’autre côté. Aucun microbe de ses concitoyens ne l’atteindrait cette année.

2 réflexions sur “La vieille mule de l’oncle Eugène”

  1. MariaLuisa DUBUISSON

    salut, j’ai adoré l’histoire de ta mule, tes dons de conteuse m’épatent.
    Ce que tu écris et la façon que tu as d’amener les actions est fluide, sans grandes formules tu sais trouver le mot juste ; comme j’aimerai approcher ta galaxie dans l’écriture, @+ Marisa

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