– Commissaire Méchant Loup ?
– Inspecteur Renard ! Entrez, je vous attendais.
– Vous vous souvenez de l’arrestation de Petit Cochon à son domicile, allée de la paille ?
–Pour possession illégale de graines de haricots magiques, oui. Du nouveau ?
– Eh bien, son frère, qui habite rue du bois, a parlé. L’aîné des frères Cochon organise tout un réseau de trafic de haricots, avenue des briques.
– Bon sang ! C’était évident. Perquisitionnez ce Cochon. Ne relâchez pas son frère. Je veux l’interroger moi-même. Je flaire un lien entre les haricots et la poule aux œufs d’or. Bien joué, Renard.
– Merci, commissaire. À propos de poule, Ogre est formel, C’est bien Jack qui s’est introduit chez lui. Ce chenapan est en garde à vue. Il a même payé les dettes de sa sœur avec un œuf d’or, ce qui l’incrimine dans cette affaire. Cochon lui aura procuré le haricot pour lui permettre d’aller jusque chez Ogre.
– M’est d’avis que Cochon lui a fourni le haricot et des œufs en échange de la poule.
– En attendant, commissaire, il faut planter un de ces haricots. Ogre voudrait rentrer chez lui, sa femme doit s’inquiéter de son absence.
– Les affaires de couple, c’est pas mon problème. Nous avons encore besoin d’Ogre. Dites-lui qu’il pourra repartir avec sa poule sous le bras une fois l’affaire réglée.
– Y a-t-il toujours un mandat d’arrêt contre Boucle d’Or, maintenant que Jack a payé ses dettes ?
– Non, Renard. Papa Ours est venu me voir ce matin. Il retire sa plainte.
– Comment ça ? Boucle d’or a pourtant mangé toute la bouillie de Bébé. Renard se lèche les babines avant de continuer. Elle a cassé sa chaise !
– Je sais, dit Loup en soupirant.
– Alors pourquoi retirer sa plainte ?
– Elle n’a touché ni à la bouillie de Maman, ni à celle de Papa.
– Pardon, nous pensons qu’une cuillérée de chaque bol a été volée. J’ai d’ailleurs pris un échantillon des bols pour comprendre pourquoi un seul des trois a été mangé si goulument.
– Bien, Renard. Nous pourrons faire des tests ADN. Les avez-vous sur vous ?
Renard rougit et baisse la tête.
– Désolé Commissaire, je les ai avalés.
– Renard, combien de fois vous ai-je dit de ne pas manger les preuves ?
– Je peux toujours écrire un rapport. Le bol de Maman était trop salé. Pas bon ! Quelle idée de faire de la bouillie d’avoine salée ? Celle de Papa m’a brûlé de palais. Tenez, regardez, j’ai encore mal.
Renard ouvre grand la gueule sous le nez de Méchant Loup.
– Mon Dieu, Renard ! Fermez-ça tout de suite, vous avez une haleine de chacal !
– Pardon, commissaire, c’est que j’ai croisé Corbeau en chemin. Il m’a offert un fromage.
Méchant Loup fait les cent pas dans son bureau, gratte son cou velu et réfléchit.
– Papa Ours est le propriétaire des casinos Les trois Ours où Boucle d’Or va jouer. Tout ce qu’elle dépense chez lui doit lui rapporter plus que ce qu’il a perdu, dit-il. Et Tant que j’y pense, Renard, vous n’auriez pas aussi vu passer une galette, par hasard ?
– Quelle galette ?
– Chaperon Rouge nous a alerté de la disparition de la galette que Mère-Grand avait posée à refroidir sur le bord de la fenêtre. Mère-Grand aussi est introuvable.
Renard, rêveur, se lèche les babines puis se ressaisit.
– Où est ce Corbeau ? Il peut survoler la forêt facilement et nous aider à retrouver la galette et Mère-Grand, glapit Méchant Loup.
– Avec tous les fromages qu’il mange, il a du mal à prendre son envol. Il devient de plus en plus gras.
Songeant aux cuisses grasses de Corbeau, Renard laisse couler un filet de bave qu’il essuie d’un revers de la patte.
– Au fait, commissaire, j’ai trouvé cette lettre chez un des frères Cochons. Je reconnais la plume de Corbeau, même s’il a essayé de masquer son écriture.
– Des lettres de menaces ? J’en ai une aussi de chez Jack. Regardez, inspecteur. C’est la même écriture : « Je sais pour les graines. Tu vas payer ou je te dénonce. Je veux trois œufs d’or dans trois jours, sinon… » Corbeau est LE corbeau, réfléchit Méchant Loup.
– Gras comme il est, c’est plutôt une poule noire…
– Je veux dire un maître chanteur, Renard. Reste à trouver un lien avec la galette.
– Chaperon dit avoir vu quelqu’un avec de grandes dents, vêtu de la chemise de nuit de Mère-Grand.
– Des grandes dents, dites-vous ?
– Oui. Et de grandes oreilles, des pattes et un torse velus. Un peu comme vous, commissaire.
– Qu’est-ce que ça insinue ? que j’ai mangé la Mère-Grand de Chaperon Rouge ? C’est elle qui m’a appelé pour une affaire de galette disparue. Quand je suis arrivé, j’ai vu des traces dans la terre. La galette a dû fuir en roulant. La vieille est sans doute en train de courir après.
Méchant Loup tape du poing sur son bureau.
– Est-ce un crime que de vouloir s’habiller en vieille ? Instant de faiblesse, rien de plus. Il toussote. Retournons à nos cochons voulez-vous, Renard ?
– Voyons mais c’est bien sûr ! s’écrie Renard en se frappant le front. Mère-Grand a envoyé Jack chercher des œufs pour faire sa galette. Jack a demandé une graine à Cochon pour aller chez Ogre. Comme il avait les dettes de sa sœur à payer et n’avait pas les moyens de s’offrir le haricot, Cochon, les lui a fournis en échange de la poule. Jack a accepté. Boucle d’Or avait trop faim pour attendre que la galette soit prête alors elle s’est introduite chez les trois Ours et a piqué leur bouillie. Corbeau a tout vu et les a fait chanter.
– Et Chaperon, qu’a-t-elle à faire dans tout ça ? demande Méchant Loup.
– Elle a inventé l’histoire de la chemise de nuit et de la galette pour éviter les soupçons et protéger ses cousins.
– Bravo Renard ! Vous êtes vraiment rusé. Que ferais-je sans vous ? Allons interroger Chaperon sur le champ. S’il s’avère que vous avez raison, je la croque pour diffamation.