Les personnages

  1. Personnages principaux :

Louis Pujol: Louis est le plus jeune fils d’une fratrie de trois enfants. Bien qu’il porte le même prénom que sa mère, il est loin d’être le préféré. Non désiré, il est arrivé trop tard, quand les parents pensaient ne plus avoir d’enfants. Pour ne pas diviser l’héritage et que les biens de la famille ne se réduisent comme une peau de chagrin, seul l’aîné, Pierre, pourra hériter de la ferme, tout en épousant sa cousine et ainsi garder les biens dans la famille. Enfant, Louis partage la chambre de son grand frère Marius qui le martyrise. Seul Pierre, l’aîné a des égards pour son petit frère et lui procure des livres, discrètement. La mère, Louise est une femme rigide, austère et tyrannique. Antoine, le père, est trop occupé par son travail.

Dès qu’il est assez grand, Louis se met à travailler avec ses parents pendant les vacances, quand il revient de la pension. Le deuxième fils, Marius, est envoyé au séminaire pour devenir prêtre. Dans la tradition familiale, le plus jeune doit faire une carrière militaire. Mais, Louis est un garçon plutôt rêveur qui aime la lecture et finit par faire des études contre le gré de sa mère. Après ses études, il rêve de quitter la France pour éviter d’être étouffé par cette mère qui veut tout contrôler et qui ne pense qu’à l’argent.  Louis est un homme brun et aux yeux bleus, élégant, toujours rasé de près. Il est grand, mince mais assez fort, ayant aussi participé aux travaux agricoles. Il aime la mode et la littérature, ses frères se moquent de lui, le trouvant efféminé à cause de ses goûts. Il quitte Marseille après avoir obtenu un poste dans les colonies et part pour l’Algérie. Il a d’abord un logement de fonction à l’école où il est embauché comme instituteur. Ensuite, grâce au tiers colonial, il a assez d’argent pour s’installer dans une maison avec sa femme. Ils auront deux enfants. Sa mère ne lui donne pas de nouvelles, elle n’approuve pas ce mariage, elle qui avait choisi elle-même la femme de son fils ainé. Très froide, ils n’auront aucune communication pendant ses années en Algérie. Seul son frère Pierre lui écrira et lui enverra des livres, de temps en temps. Pierre est un homme docile, sans grande personnalité, qui veut juste faire plaisir à tout le monde.  L’histoire se passe en 1891. À la suite d’une épidémie, son fils meurt. Louis décide alors de retourner en France, mais le retour ne se passe pas comme prévu. Il ne retrouve pas le pays qu’il a quitté et le voyage épuise sa femme qui, elle aussi, tombe malade. À la fin du roman, il a 37 ans.

Yona Pujol née Messaoudi : Yona est née à Bénisaf, d’origine espagnole. Ses parents sont morts empoisonnés par l’eau du puits. Les deux filles, en pension à l’époque, ont survécu. Plus âgée que Layla, Yona a dû travailler et s’occuper de sa petite sœur. Très proches elles s’écrivent régulièrement. Ayant dû travailler assez jeune, elle s’est occupée de sa carrière et est toujours célibataire à 26 ans, contrairement à Layla qui s’est mariée jeune. Elle travaille comme institutrice et rencontre Louis à l’école où elle s’occupe de la classe des filles. Brune aux yeux noirs en amande, elle s’habille à l’européenne pour enseigner et porte un chignon. Elle est mince et de petite taille. C’est une femme forte et déterminée. Comme ils se voient souvent, elle  finit par lui demander quelles sont ses intentions. Ils se marient malgré les réticences des parents de Louis. Ensemble, ils auront deux enfants, Elisabeth, 9 ans et Daniel, 4 ans. Daniel meurt des suites d’une grave maladie. La famille quitte l’Algérie et retourne un temps chez les parents de Louis en attendant de s’installer. Epuisée par le déménagement et le voyage, Yona tombe malade peu après son arrivée en France.

Elisabeth Pujol : fille ainée de Louis et de Yona. Elisabeth a des boucles brunes avec une frange droite sur le front aux yeux noirs, comme sa mère. Au départ, une petite fille joyeuse et insouciante, la perte de son frère et le départ pour un pays inconnu la marqueront profondément. En France son père la laisse chez ses grands-parents pour pouvoir s’occuper de sa femme malade qu’il accompagne à l’hôpital. À la mort de sa mère, Elisabeth sera envoyée dans un pensionnat de jeunes filles. C’est la fin de l’enfance pour elle.

Daniel Pujol : fils de Louis et de Yona. Petit garçon aux cheveux châtains, espiègle mais de santé fragile. Il suit sa sœur partout et veut tout faire comme elle. Il tombe malade et meurt.

Le narrateur est un narrateur omniscient, parfois aligné sur un des trois personnages. Parfois narrateur personnage, lors des lettres entre Yona et sa sœur.

  • Principales interactions de mes personnages dans l’histoire.

L’objectif de Louis : survivre à la mort de son fils, rentrer chez lui. Prendre soin de sa famille.

Rôle (archétype) : En Algérie, c’est le père de famille, il doit se montrer fort. En France, il ne retrouve plus ses repères. Toutes ses tentatives échouent car son fils et sa femme meurent et il se sépare de sa fille.

Il aime sa famille et rêve de ce qu’il y a de mieux pour elle.

Ses parents et un de ses frères s’opposent à lui. Ils sont chrétiens, très croyants, bornés dans leurs idées et Louis est le contraire. Son frère ainé l’aide mais il reste distant.

À la mort de leur fils, fragile, la famille retourne en France. Épuisée par le voyage, Yona tombera malade. Elle a perdu un enfant et meurt loin de son pays. Parallélisme avec Arthur Rimbaud amputé qu’elle croise et qui meurt lui aussi dans le même hôpital.

Elisabeth subit trois évènements bouleversants : la mort de son petit frère, son déracinement en quittant son pays et la mort de sa mère. Son père ne sera pas parvenu à protéger ni sa femme ni sa fille.

Au début de l’histoire, le personnage principal est un jeune homme de 26 ans, heureux, qui commence une nouvelle vie à l’étranger. À la fin, c’est un homme de 37 ans, meurtri, de retour à Marseille, son point de départ. Je veux établir un parallélisme avec Rimbaud qui meurt lui aussi à Marseille, de retour des pays chauds.

Personnages : Début de l’histoire

L’Albatros accoste enfin dans la rade d’Oran. Le soleil se lève sur la ville. Louis, épuisé par la traversée, l’estomac noué par le roulis incessant, promène son regard sur les palais qui bordent  le littoral. Le voyage de l’Albatros s’arrête là. Une autre embarcation, plus petite, effectue la traversée jusqu’au petit port de Benisaf. Mais Louis n’a pas le pied marin et préfère prendre le chemin de fer. Une muraille crénelée encercle la ville. L’air est chaud et sec en ce début d’automne. Un vent du sud soulève des tourbillons de poussière. Louis quitte le port et marche vers la gare. Il se sent perdu parmi la foule. Des hommes en burnous traînent leurs savates, des femmes habillées à l’européenne se cachent derrière des ombrelles en dentelle blanche. Des marchands accroupis au sol crient derrière leurs étalages de pois chiche, d’épices et de fruits.

Arrivé à la gare, Louis fait la queue au guichet. Intrigué, dépaysé, il regarde partout, écoute le brouhaha incompréhensible, mélange d’arabe, d’espagnol et de français. Un petit vendeur le bouscule, un panier d’osier plein de dattes en équilibre sur la tête. Louis pousse sa valise du pied pour avancer quand un jeune garçon pieds nus et au vêtement déchiré s’approche et lui tire la manche.

 —Sidi, 10 francs et je porte ta valise.

Louis refuse et achète son billet. Le gamin insiste, tourne autour de lui avant de se diriger vers un autre homme à l’air hagard, encombré de sacs et de malles.

Arrivé devant le train, le chef de gare lui indique l’emplacement de son wagon et Louis s’installe dans un compartiment étroit. Le nez contre la vitre, tel un enfant qui assiste pour la première fois à une fête foraine, il observe les badauds aux couleurs bariolées. Des couples se séparent sur le quai, les bras levés en signe d’adieu, des grands-parents embrassent leurs petits-enfants, un lieutenant à l’allure noble marche avec lenteur.

Un homme aux longs favoris s’installe en face de lui. Au coup de sifflet le train se met en branle. L’homme sort de sa poche une pipe qu’il allume. Une odeur boisée emplit le compartiment.

—Premier voyage en Afrique ? demande l’homme aux favoris en tirant sur sa pipe.

—Je suis arrivé de Marseille ce matin sur l’Albatros.

L’homme tend une grosse main moite.

—Jules Talbot. Je suis directeur de la compagnie Mokta-el-Hadid à Benisaf.

—Louis Pujol.

—Vous avez bien fait de faire tout le trajet en bateau. J’ai pris le sleeping de Tanger jusqu’ici et c’est d’un inconfort incroyable ! Entre le bruit du train et les ronflements des passagers, impossible de dormir. Et je ne vous parle pas de la puanteur. Une forte odeur de pieds et de sueur, mêlées à celle de nourriture en putréfaction. Certains crachent par terre et jettent leurs os de poulet au milieu du couloir. C’est abominable. Mais que voulez-vous ? Nous sommes encore au moyen-âge, ici.

Louis sourit timidement et songe au long mal de mer qui lui a soulevé le cœur toute la nuit.

—Qu’est-ce qui vous emmène sur ces terres, jeune homme ? Marseille, ce n’est pas la porte à côté.

Louis détourne la tête de la vitre.

—Je suis le nouvel instituteur…

—Vous vous rendez aussi à Benisaf ?

Louis hoche la tête.

—J’ai rendez-vous avec le directeur.

—Vous allez donc voir M. Vacher, fait l’homme en souriant.

—Vous le connaissez ?

—Benisaf n’est pas une grande ville. Vous ne serez pas trop dépaysé, on se croirait tout à fait en Europe. Je suis moi-même originaire de Lille. Je suis venu ici il y a vingt ans déjà, pour exploiter le minerai de fer. Et vous, monsieur Pujol, d’où êtes-vous ?

—Du Gard, répond Louis. Mes parents ont une ferme à Servas, une toute petite ville. Mon père est le maire.

—Et vous ne voulez pas marcher sur les pas de votre père ?

—Mon frère aîné reprend la ferme. Il n’y a rien pour moi là-bas.

Il observe les mandariniers, les orangers  puis les cultures de lentilles, de pois chiches, de maïs  et de blé rouge qui s’étendent à l’horizon sur ce sol auparavant aride et stérile et ces anciens marécages transformés en terres fertiles par des agriculteurs acharnés. Louis veut regarder le paysage, s’abreuver de nouveauté. Il est fatigué et n’a pas envie de bavarder avec son voisin qui continue de parler dans un long monologue. Louis n’écoute plus, se contente de hocher la tête poliment de temps à autre et écarquille les yeux pour ne pas s’endormir, bercé par le roulement du train et la voix monotone de son voisin.

Lentement, le train entre en gare.

—Vous pouvez m’indiquer où habite M. Vacher, demande Louis à son compagnon de voyage.

—Mais certainement, jeune homme. Je vous accompagne, c’est sur mon chemin.

Les deux hommes se séparent devant une maison coloniale aux couleurs délavées par le soleil, non loin de la gare. Une vieille bonne au visage ridé ouvre la porte. Dans un français approximatif, elle explique que le directeur est absent. Puis, elle s’essuie les mains sur son tablier et indique le chemin de l’école à grands renforts de gestes.

Trouvant la grille ouverte, Louis traverse la petite cour de l’école et pénètre dans la salle de classe. Intrigué, il pose sa valise à l’entrée, regarde l’inscription au tableau, fronce les sourcils et s’approche de la petite estrade. Il est surpris par l’arrivée d’une jeune femme. Il ne sait s’il faut lui serrer la main et finit par s’incliner légèrement.

—J’attends M. Vacher, balbutie Louis.

—Oui, il m’a chargé de vous accueillir et vous prie de l’excuser, il a eu un empêchement. Je suis Mademoiselle Messaoudi, je m’occupe de la classe des filles.

La jeune femme lui montre les salles de classes puis, l’accompagne à l’étage vers son appartement.

Bénisaf, le 5 octobre 1880

Ma chère Layla,

Un nouvel instituteur est arrivé de France. Je suis allée l’accueillir à l’école. Il était en train d’effacer le tableau de la classe sur lequel le directeur avait écrit : « Mes enfants, aimez la France votre patrie ». Me sentant toute bête avec mon almanach du colon Algérien qui n’allait probablement pas l’intéresser, J’ai posé discrètement le livre sur la petite bibliothèque à l’entrée de la salle de classe, au-dessus du nouveau code de l’indigénat que nous avons reçu, en je ne sais combien de copies. Ce ne sont pas les enfants qui vont lire cela. Et pourtant, nous attendons toujours les livres de lecture qui doivent arriver de France. Qu’avais-je donc en tête avec mon almanach ? Cet homme n’est pas du genre à se demander quel est le meilleur moment pour planter des pommes de terre.

Ne sachant comment attirer son attention, j’ai lancé mon Bienvenue à l’école Jules Ferry, M. Pujol.  Il a sursauté, la brosse lui est tombée des mains. Encore une fois, tu dois t’imaginer que j’ai manqué de douceur. Je me suis retenue pour ne pas rire. Tu aurais dû le voir. Il portait une simple chemise et un pantalon en toile. Il m’a dévisagé, presque étonné que je sois vêtue à l’européenne. Que s’imaginait-il donc en venant ici ? Je portais ma robe grise, celle des jours de classe. Tu sais combien je déteste ces costumes qui vous serrent la taille et vous empêchent de respirer. À son regard, j’ai vite regretté de ne pas avoir mis une plus jolie robe. Il avait des yeux bleus qui semblaient rire malgré lui. Avec ses vêtements, on aurait presque dit un kabyle. Il m’a saluée et expliqué qu’il trouvait la phrase un peu « conquérante ». Ne sommes-nous pas en pays conquis lui ai-je demandé. Il n’a pas répondu, se contentant de ramasser sa brosse. Sans doute pour changer de sujet, il m’a demandé où étaient les chaises et les tables et je lui ai indiqué les coussins empilés dans un coin. Les enfants s’assoient donc par terre ? 

Est-ce qu’il nous prend pour des sauvages ? Gênée, j’ai senti le feu monter à mes joues. Si seulement je pouvais me contrôler et ne pas rougir aussi facilement.

Il m’a fallu lui expliquer que nous sommes loin de la métropole, les pupitres ne sont pas encore arrivés. Pour l’instant, nous avons 5 filles et 12 garçons. Beaucoup sont encore obligés d’accompagner leurs parents à la pêche ou à la mine. Tu sais que bien, Layla, que l’école a ouvert récemment et qu’il faut de temps pour convaincre les parents d’offrir une éducation à leurs enfants. Je suis même convaincue que les musulmans ne nous enverront jamais leurs fils, ils pensent que c’est trahir leur culture. Alors, les filles, penses-tu ! Mais rassures-toi, je ne lui ai rien dit de tout cela. Je compte bien le laisser découvrir par lui-même.

Je lui ai expliqué que M. vacher, le directeur avait dû s’absenter et m’avait chargé de l’accueillir. Il avait pour tout bagage une valise un peu cabossée. Je lui ai expliqué comment utiliser le poêle en hiver, pour se chauffer, je lui ai montré la classe des filles, de l’autre côté du muret. Puis je l’ai accompagné à l’étage, pour le laisser s’installer dans son logement.

Comme il n’y a pas classe le jeudi, j’ai proposé de lui faire visiter les environs car il ne connaît encore personne ici. Il a tout de suite accepté. Il faut t’avouer qu’un peu de compagnie me fera du bien. Je me sentais un peu seule depuis ton mariage. Mais ne vas pas te faire des idées, Layla, il s’agit d’une relation professionnelle, rien de plus.

Je t’embrasse tendrement,

Yona

Une fois seul, Louis inspecte son appartement. Une petite chambre avec un bureau. La fenêtre sans rideaux donne sur la cour de l’école. Dans l’autre pièce, une cuisinière moderne au gaz. La jeune institutrice lui a dit qu’elle lui trouverait une aide pour le ménage et la cuisine. Il s’installe au bureau. Dans le tiroir il trouve du papier, une plume et un encrier.

Bien chers parents,

Je suis enfin installé à Bénisaf. La classe commence lundi. J’ai cette fin de semaine pour me préparer. Je suis épuisé par ce long voyage et vais me coucher sans tarder. La découverte de la ville attendra demain. La famille du directeur m’a invité à souper demain soir et je n’ai pas de vêtement correct.

J’ai été  accueilli par l’institutrice qui m’a préparé d’étranges beignets assez gras farcis de bœuf piquant qui se mangent avec les mains. Ici, ils ne doivent pas faire maigre le vendredi. Notre Père Marius n’approuverait pas. Elle m’a aussi apporté des feuilles de thé et recommandé de bien faire bouillir l’eau et de ne surtout pas boire directement du puits. Ses parents, viticulteurs, ont été empoisonnés de cette façon. Sa sœur et elle ont survécu car elles étaient en pension. Leur oncle a repris la vigne située sur le flanc de la colline et elle a dû travailler et s’occuper de sa sœur. L’institutrice doit avoir mon âge tout au plus et malgré ses difficultés m’a parue très joyeuse et bavarde. Marius rougirait de voir avec quelle simplicité elle s’adresse aux hommes. D’origine espagnole, elle a le teint halé, les cheveux couleur jais et des yeux en amande. J’étais étonné d’apprendre qu’on faisait du vin dans ces contrées. Le long du trajet, j’ai aperçu un grand nombre de petites parcelles de terre de drôles de formes. Malgré le climat aride, toutes sortes de fruits et légumes sont cultivées.  L’activité principale reste la pêche et le minerai de fer qui aurait été découvert par un marin Espagnol rescapé d’un naufrage.

Louis s’arrête, regarde son écriture serrée qui noircit le papier et déchire sa lettre. Sur un bout feuillet, il écrit plus simplement,

Chers parents,

J’espère que cette lettre vous trouvera tous en bonne santé. Je suis bien arrivé à Bénisaf. Le temps est particulièrement chaud la journée. Le soir une légère brise souffle sur la ville. La classe commence ce lundi. Amitiés à Pierre et Marius.

Votre dévoué,

Louis.

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