L’évangile selon Jonathan

Jonathan n’était pas comme les autres goélands de son clan qui ne pensaient qu’à manger. Il aspirait à un but plus élevé : voler toujours plus haut, toujours plus vite. Le reste lui importait peu.

Ses parents se souciaient de lui. Pourquoi ne voulait-il pas faire comme tout le monde et voler jusqu’aux bateaux de pêche pour attraper les poissons à la surface de l’eau ? Jonathan ne parvenait pas à  se contenter de cette vie simple. Il voulait trouver un sens à sa vie, et pour lui, c’était devenir le plus rapide des goélands.  Cependant, à une trop grande vitesse, il perdait le contrôle de ses ailes. Un jour, il tomba de façon vertigineuse et vint s’écraser sur une mer de pierre.

Quand Jonathan recouvrit ses sens, il faisait nuit depuis longtemps. Il flottait sur l’eau noire et se dit que ses congénères avaient peut-être raison, il devait renoncer à ses rêves impossibles.

Dorénavant, il vivrait comme les autres. Sans défis, plus d’échecs. Mais au dernier moment, il se ressaisit.

« Bien sûr, des ailes de faucon ! Voilà ce qu’il me faut !»

Toute souffrance oubliée, Jonathan replia les ailes le plus possible et s’élança à nouveau dans le ciel. Il s’entraîna ainsi toute la nuit, fonçant dans les airs puis planant en chute libre, ivre de puissance et de joie. Jonathan réussit le plus grand exploit aérien de toute l’histoire des goélands. Il voulut montrer ses découvertes aux membres du clan, leur donner à eux aussi, une raison de vivre, de se hisser au-delà de la médiocrité et d’être enfin libres !

Mais les autres goélands, furieux, jugèrent son comportement irresponsable et le bannirent de la communauté.

Seul, isolé de tous, Jonathan le goéland continua son apprentissage. C’est ainsi qu’un soir, il rencontra deux magnifiques goélands-étoiles qui le guidèrent encore plus loin dans les cieux. Comme il s’élevait dans les airs, son corps se couvrit d’une aura radieuse.

« Me voici donc au paradis », pensa Jonathan.

 Les deux goélands qui l’escortaient finirent par le laisser proche d’une rive où d’autres des leurs s’efforçaient de voler. Ils lui souhaitèrent bonne chance avant de disparaitre dans le ciel. Jonathan se rendit vite compte que ces oiseaux -ci ne ressemblaient en rien à ceux de son clan. Ils partageaient tous la même idée : tendre vers la perfection. Jonathan appris à explorer l’infini de l’espace et du temps en devenant le disciple de Chiang jusqu’à la disparition de ce dernier. Un jour, Jonathan repensa à la terre qu’il avait quittée. Il décida donc de s’en retourner parmi ses anciens congénères. Il trouva de nouveau ses falaises et rencontra le jeune Fletcher, un goéland maltraité pour sa passion du vol. Jonathan devint le maître du jeune goéland. Au bout de trois mois, Jonathan eut six autres élèves, tous exclus de leur communauté.

Jonathan leur enseigna avec amour ce qu’il savait. Puis, il voulut retourner vers le clan, prêcher la bonne nouvelle à la communauté. Ces derniers, d’abord étonnés du retour des excommuniés décidèrent d’abord de les ignorer.

Mais petit à petit, un cercle de curieux s’approcha de Jonathan et de ses disciples. Un par un, ils demandèrent à Jonathan de leur apprendre à voler, eux aussi. Finalement, après qu’un goéland paralysé eut de nouveau appris à voler, la foule admirative grandit autour des goélands, sans plus se soucier du bannissement.

-Ils prétendent que vous êtes le fils du Grand Goéland, dit un jour Fletcher.

– On fait de vous un démon ou on vous proclame dieu, répondit Jonathan. Nous sommes tout au plus un peu en avance sur notre temps.

C’est alors qu’il enseignait les notions de vol rapide à un nouveau groupe d’élèves que Fletcher vint percuter un rocher de granit. Le choc de l’impact fut si brutal qu’il mourut. Jonathan lui expliqua qu’il avait enfin réussi à passer dans un nouveau niveau de connaissance

-Je comprends maintenant que le corps n’est rien d’autre qu’un effet de la pensée, soupira Fletcher, qui, au pied du rocher remua la tête et ouvrit les yeux.

Les goélands étaient effarés par ce qu’ils virent.

-Il était mort ! Il est vivant !

-C’est le fils du Grand Goéland qui l’a touché et ressuscité !

-Non, c’est un démon venu détruire le clan !

Ce cri secoua les goélands qui s’approchèrent de Fletcher et de Jonathan, prêts à attaquer.

Fletcher était furieux, mais Jonathan lui expliqua qu’il fallait voir le bon en chacun de ses semblables et qu’il était temps à présent pour Fletcher de guider, lui aussi, les goélands. Jonathan s’évanouit ensuite dans l’espace.

C’est ainsi que Fletcher le Goéland s’engagea, comme Jonathan, sur la route qui menait à la sagesse. 

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