Retrouvons-nous au Lavandou

Gwendoline se réveilla seule dans le grand lit aux draps de coton blanc. Sur l’oreiller, elle trouva une carte de visite. Elle lut, griffonné au crayon sous le nom d’un vignoble :

Retrouvons-nous au Lavandou.

 

La veille, la jeune femme avait fui la capitale à l’aube.  Sa famille et ses amies voulaient la coiffer du chapeau ridicule des Catherinettes. Elle enrageait à l’idée que cette fête pût encore exister, bien que secrètement, elle désespéra d’être toujours célibataire à 25 ans.

Gwendoline arriva à Avignon et poussa un soupir. C’était ici, dans la cité des Papes, qu’elle avait échangé son premier baiser, lors d’un voyage scolaire. Un baiser furtif mais inoubliable avec un camarade de classe. Comment s’appelait-il, déjà ? Elle passa un doigt sur ses lèvres et son cœur se mit à battre. Elle gara son Alfa Romeo Giulietta devant la Bastide des Anges, un charmant petit hôtel, situé au cœur de l’île de la Barthelasse, un havre de verdure et de fraîcheur en cette fin d’automne. Un jeune groom aux allures de Spirou se précipita pour prendre ses bagages pendant qu’elle déclinait son identité au réceptionniste. Elle suivit d’une oreille distraite les informations concernant la piscine, le parc et le petit déjeuner, prit la clef et gravit l’escalier de marbre.

Dans sa chambre, elle revêtit sa jolie robe rouge baiser et maquilla ses beaux yeux noisette en amande. Pas question de se laisser abattre. Elle fêterait seule la Sainte Catherine, loin de la grisaille parisienne. Elle attrapa son foulard et sortit d’un pas léger, décidée à commencer la fête avec un bon Spritz au bar de l´hôtel. Dans le couloir, un jeune homme s’apprêtait à entrer dans la chambre voisine. Elle se sentit déshabillée par le regard insistant et sans vergogne de l’inconnu.

« Bonjour, dit-il avec un sourire enjôleur.

– Bonjour.

– Attendez, s’écria-t-il en s’éclipsant.

-Attendez quoi ? demanda-t-elle à la porte.

– Attendez-moi ! »

Il sortit la tête de la chambre et éclata de rire. Gwendoline sentit ses joues s’assortir à sa robe. Une minute plus tard, le jeune homme lui tendait la main.

« Giovanni Cherubini, » fit-il et ses lèvres effleurèrent la paume de Gwendoline. Elle tressaillit, sentit ses jambes se dérober sous son poids et balbutia son prénom.

« Vous venez d’arriver ?

– Oui, j’allais juste prendre Spritz au bar avant de visiter la ville.

Uno Spritz macchiato aperol, qua? Non siamo mica a Venezia! Puis-je me joindre à vous et vous faire découvrir plutôt une spécialité locale ? »

Gwendoline hocha la tête, subjuguée par cette voix caressante à l’accent chantant.

A la terrasse du bar, Giovanni commanda une bouteille de Beaumes de Venise qu’ils partagèrent. Il était commercial en vin et se trouvait dans la région pour affaires. Originaire de Vérone, il parlait des différents vins avec passion, accompagnant ses paroles de gestes éloquents. Gwendoline, plus réservée, acquiesçait et souriait à tout ce qu’il disait.

Vérone, la ville des amours tragiques, rêvait Gwendoline, son regard accroché à la bouche pulpeuse du jeune homme aux yeux émeraude. Une boucle brune et rebelle retombait sans cesse sur son front, qu’il repoussait d’un geste rapide. Il était grand, bien bâti, ressemblait étrangement à Orlando Bloom.

Un homme d’une quarantaine d’années s’approcha d’eux et Gwendoline fut tirée de sa rêverie. Giovanni s’excusa pour l’intrusion du viticulteur et demanda à la jeune femme s’il pouvait l’inviter à dîner le soir même. Elle accepta et se retira, en compagnie de son verre.

« Vingt heures devant ma chambre ? fit Giovanni, avec un clin d’œil.

La belle blonde hocha la tête.

– A tout à l’heure.

– Mademoiselle,» dit le quadragénaire avec une petite révérence. 

De retour dans sa chambre, Gwendoline se jeta sur son lit et se remémora le visage du jeune homme, ses mains, ses lèvres sur lesquelles elle eût aimé poser les siennes. Déjà elle s’impatientait de le retrouver. Elle se fit couler un bain, s’enduisit de crème et chercha dans sa valise sa plus belle tenue, changea d’avis, enfila un jean pour avoir l’air plus sobre, le retira, se retrouva en sous-vêtement, au bord de la crise de nerf. Quelle tenue lui donnerait un air sexy, mais pas trop ? Tous ses vêtements étaient éparpillés au sol quand finalement elle remit sa robe rouge, agrémentée d’un gilet en cachemire blanc et se percha sur des escarpins dorés.

Peu avant huit heures, Gwendoline frappa à la porte de la chambre voisine. Giovanni prit du temps avant d’ouvrir et elle désespéra. S’il avait oublié, changé d’avis ou rencontré quelqu’un d’autre ? Son estomac se noua. La porte s’ouvrit finalement et le jeune homme apparut, torse nu, une serviette enroulée autour de la taille.

« Je suis désolée, je vous dérange, fit Gwendoline.

– C’est moi qui suis désolé, je suis toujours en retard. »

Il lui fit signe d’entrer mais ne retira pas sa main de la porte si bien qu’elle dut se placer contre le mur et se retrouva encerclée par les bras musclés de Giovanni.

Son regard se posa sur les pectoraux encore mouillés de l’Italien. Elle baissa la tête pour essayer de réprimer les pensées peu chrétiennes qui lui envahirent l’esprit. Tout son corps frissonna. Que lui arrivait-il ? Elle respira le parfum chaud et ambré de l’adonis tout proche. Ensuite tout se passa très vite. Les doigts de Gwendoline ne lui obéirent plus et délièrent la serviette qui tomba au sol. Giovanni se retrouva nu devant elle. Il pencha la tête en avant, souleva le menton de Gwendoline et l’embrassa. Il l’empoigna alors à bout de bras. Elle admira sa force, ses biceps saillants avant de retomber sur le lit où elle le laissa soulever sa robe et presque arracher sa petite culotte moite. Ils ne sortirent pas dîner. Gwendoline sentit le bois froid du bureau, le velours du fauteuil, la douceur du matelas. Finalement, un cri rauque s’empara d’elle, suivit de violents spasmes. Ils commandèrent des olives, une fougasse et une bouteille pour reprendre haleine un instant. Sainte Catherine pouvait se rhabiller et manger son chapeau vert à fleurs.

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