Un mâle pour un bien

Le premier boxer, c’est le seul qui compte. Les autres, de plus en plus bon marché, de plus en plus sobres, ne sont que des couvertures pudiques, pour garder les bijoux en place. Le dernier, peut-être, retrouve avec la désillusion de mourir, un semblant de gloire passée…

Mais le premier boxer ! Pas le slip kangourou Petit Bateau ridicule acheté par maman ! Ni le caleçon trop large qui n’apporte aucun soutien et d’où dépasse toujours quelque chose de disgracieux. On ne parlera même pas du bout de tissu, ramassé on ne sait où, que porte Tarzan ! Ça commence bien après toutes ces tentatives de sous-vêtements peu seyants. Sur les fesses, enfin, ce coton soyeux, douceur amplifiée par le solide élastique à la ceinture, et le frottement secrètement sensuel qui nous enveloppe jusqu’au haut des cuisses. Comme il semble confortable, ce premier boxer. On le porte tout de suite, avec une séduction sauvagement animale. On se sent homme, enfin.  « Très mâle, très bien ». Prêt pour boire une première gorgée de bière, voire deux ou trois.

En fait, tout est prévu : la quantité de tissu, ni trop, ni trop peu, avec l’ouverture idéale sur le devant, en cas de petit besoin pressant. Attention : si on ne contrôle pas encore tout à fait ses gorgées, on peut se retrouver sans crier gare avec une vessie pleine à craquer et du mal à viser!

Grâce à la démarche chaloupée, qu’engendre ce boxer 100% coton bio, on accroche un sourire féminin ou un regard voluptueux qui promet tous les plaisirs. En même temps, on le sent déjà, ce bien-être sexy, cette pose aguicheuse. On ramène la fille chez soi. On garde son boxer, on s’éloigne même un peu de la femme convoitée, qu’elle admire la couleur, les motifs amusants ou l’imprimé léopard. Par tout un rituel d’érotisme, on voudrait maîtriser ce désir grandissant avant qu’il ne s’échappe. On lit avec satisfaction le nom précis de la marque sur l’élastique. Mais contenant et contenu ne sont pas toujours aussi fascinants. Parfois la vision est décevante. On aimerait garder le secret de la beauté masculine et l’enfermer dans ce moule merveilleux.

Mais un jour, devant le miroir baigné de lumière, le mari délaissé ne sauve que les apparences, et porte de plus en plus de boxers avec de moins en moins de joie. C’est un parfum amer, le linge sent le tourbillon de fraicheur, la vie plus grand chose : on a oublié les premières pulsions, l´épouse ne parle que de factures à payer, d’enfants à aller chercher. On pose parfois le regard sur une jolie jeune femme dans la rue, mais elle passe sans nous voir. Le boxer usé a perdu tous ses pouvoirs.

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